Description |
Les résultats présentés ici s'inscrivent dans un schéma d'études et de collaborations originales qui mérite d'être précisé.
1.- Un double objectif: le suivi des conditions d'activité des ménages et une approche macro-économique du secteur informel.
L'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) poursuit entre autres objectifs celui "d'assurer la convergence des politiques économiques des Etats membres par l'institution d'une surveillance multilatérale". Pour réaliser cet objectif, il est impératif de disposer de statistiques harmonisées et fiables. Or depuis le début des années 80, les systèmes statistiques nationaux (SSN) souffrent de plusieurs maux dont la faiblesse et l'irrégularité dans la production des statistiques de base du fait des faibles moyens matériels et humains dont ils disposent.
Pour remédier à cette situation, la Commission de l'UEMOA a initié pour ses Etats membres le Programme régional d'appui à la statistique (PARSTAT). Ce programme comprend plusieurs volets dont le volet « secteur informel et emploi en milieu urbain » qui consiste en la réalisation d'enquêtes sur l'emploi et le secteur informel dans la principale agglomération de sept des huit pays de l'UEMOA, la Guinée Bissau n'étant pas concernée par ce volet du programme.
En effet, il est vite apparu que l'appréciation des conditions d'ajustement du secteur productif aux difficultés économiques structurelles des pays en développement passait par la mobilisation d'informations statistiques adéquates, notamment sur le secteur informel. Ce secteur est non seulement envisagé comme une composante du secteur productif mais aussi comme une source essentielle de satisfaction de la demande. L'objectif ultime est d'intégrer ce secteur dans la réflexion macro-économique en se fondant sur les résultats de données d'enquêtes. Cette démarche doit permettre de valider une représentation formalisée du rôle macro-économique du secteur afin de dégager des propositions de politique économique le concernant.
Le second objectif de la série d'enquêtes réalisées par le projet PARSTAT est de permettre le suivi des conditions d'activité des ménages et du fonctionnement du marché du travail. En effet, dans un pays où le facteur le plus abondant est justement le facteur travail, et où le principal objectif de la politique économique est la réduction de la pauvreté, alors que l'immense majorité des pauvres tire son revenu du travail, il était paradoxal qu'aucun dispositif pérenne de suivi dans ce domaine ne soit intégré dans le système national d'information statistique. Les enquêtes dont nous présentons ici les résultats se proposent de combler cette lacune, en se limitant dans un premier temps à la capitale. |
Résumé |
LE SECTEUR INFORMEL DANS L'AGGLOMERATION DE BAMAKO
performances, insertion, perspectives
Synthèse des résultats de la phase 2
sur le secteur informel.
En fin 2001, l'agglomération de Bamako comptait 233.957 unités de production informelles (UPI), employant 319.936 personnes dans les branches marchandes non agricoles. Plus de la moitié des ménages tirent l'ensemble ou une partie de leurs revenus d'une unité de production informelle. Les UPI se concentrent dans les secteurs commerciaux, au détriment des secteurs industriel et de service.
Les établissements informels, que nous avons appelés “Unités de Production Informelles” (UPI sont des unités de production qui n'ont pas de numéro d'identifiant fiscal (NIF) et/ou qui ne tiennent pas de comptabilité. Ainsi, dès qu'une de ces conditions n'est pas remplie par une société, elle est classée parmi les Unités de Production Informelles (UPI.).
Le secteur informel se caractérise par une très grande précarité des conditions d'activité. Près de 88% des UPI sont installés dans des installations de fortune, ce qui les prive d'accès aux principaux services publics (eau, électricité, téléphone). Méconnues des services de l'Etat, les UPI apparaissent plus comme un secteur de développement spontané des activités économiques des ménages que comme une stratégie de contournement de la législation en vigueur. Mais l'absence de numéro d'identification fiscale (NIF) ne signifie pas que le secteur informel ne soit pas fiscalisé puisque 11% des UPI payent la patente.
L'étude a montré une multiplication des effectifs de création d'UPI ces dernières années (plus de la moitié des UPI a vu le jour à partir de 1996, soit dans les cinq dernières années précédant l'enquête). Cette situation traduit l'essor du secteur informel comme mode d'insertion privilégié de la main-d'œuvre. Mais elle s'accompagne aussi d'une précarisation croissante au sein même du secteur informel. Le secteur informel est constitué de micro-unités, dont la taille moyenne est de 1,4 emploi par unité et où l'auto emploi est la règle dans près de quatre établissements sur cinq. Plus de 48% des emplois du secteur informel sont occupés par des femmes, que l'on trouve concentrées dans les emplois les plus précaires, notamment parmi les travailleurs à leur propre compte (indépendantes) et les aides familiales..
Les travailleurs du secteur informel consacrent en moyenne 42 heures par semaine à leur activité, et gagnent en moyenne 79,600 Fcfa par mois. Ces chiffres cachent une forte hétérogénéité. La prédominance des faibles revenus pèse sur la distribution, puisque la moitié des travailleurs gagne moins de 20.000 Fcfa par mois (inférieur au SMIG , qui était de 24.400 Fcfa en 2001).
Le secteur informel marchand non agricole a brassé en 2001 un chiffre d'affaire total de 762,0 milliards Fcfa. La production totale, qui représente le chiffre d'affaire moins la valeur des produits achetés et revendus en l'état, a été de 387,8 milliards de Fcfa. Cette production a engendré 308,5 milliards Fcfa de valeur ajoutée .
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La décomposition fonctionnelle de la valeur ajoutée par facteur de production montre que la rémunération du travail (essentiellement salarié) représente 6,2%, les impôts 2,2% et l'Excédent Brut d'exploitation 91,6%.
Aujourd'hui, les difficultés rencontrées par le secteur informel sont avant tout liées au problème d'écoulement de la production. Outre la faiblesse des débouchés, le thème du crédit apparaît comme un problème récurrent pour le secteur informel. L'accès au crédit, plus que son coût, constitue le second facteur de blocage au développement des activités informelles, et est le principal appui souhaité par les entrepreneurs. Les institutions financières doivent donc se mobiliser pour imaginer les modalités d'une intervention dans ce secteur, compte tenu du rôle essentiel qu'il joue déjà dans les rouages de l'économie malienne, et qu'il est appelé à y jouer dans les années à venir.
Par contre, l'ingérence de l'Etat dans la régulation des affaires économiques ne constitue pas une entrave importante au développement des activités informelles. Il existe entre l'administration et le secteur informel un modus vivendi basé sur l'ignorance mutuelle. Si les informels ne vont pas à l'Etat pour enregistrer leurs activités parce qu'ils ne connaissent pas la législation en vigueur, l'Etat ne s'intéresse pas non plus au secteur informel, ni pour lui procurer des débouchés, ni pour tenter d'intégrer les activités de ce secteur dans le dispositif officiel.
Dans le contexte actuel, cette politique de laisser-faire de l'Etat constitue un moindre mal, qui se situe très en deçà du rôle qu'il devrait jouer pour favoriser l'émergence d'activités plus productives. L'ouverture d'un guichet unique et la simplification des démarches administratives d'enregistrement et une politique ambitieuse de financement, en sont les principales modalités. En contrepartie, une réflexion doit être menée pour conduire le secteur informel à remplir son devoir fiscal, en prenant garde de ne pas étouffer les établissements les moins rentables. Cette politique active, basée sur la concertation, est non seulement nécessaire, mais elle est aussi possible dans la mesure où 42% des UPI sont prêtes à payer l'impôt.
Pourtant, malgré les difficultés, il semble que le secteur informel constitue encore un débouché professionnel légitime, socialement valorisant et économiquement rentable. 83% des chefs d'UPI affirment qu'il existe un avenir pour leur établissement et 72% souhaitent voir leurs enfants leur succéder, si ces derniers le désiraient. |